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  • Elisa Azogui-Burlac

Egarements maternels

Vite, il faut que j'écrive vite, car je perds la mémoire. Je le sens bien, je commence à oublier ce que j’ai ressenti quand je suis devenue mère pour la deuxième fois. Pourtant ça foisonnait dans ma tête et dans mon coeur. Mais le présent est si prégnant qu’il fait écran aux souvenirs, et  fixe l’image de mes enfants, de notre famille, à ce que nous sommes aujourd’hui. Alors qu’il en a fallu du temps pour apprendre à vivre à quatre.




Je me souviens de ce que j’ai éprouvé quand j’ai accouché de mon premier enfant. J’ai trouvé ça étrange. Ce petit être que j’avais imaginé, senti dans mon ventre pendant neuf mois, m'était malgré tout complètement étranger. S’il est assez instinctif, voire animal, de comprendre et de répondre aux besoins d’un nourrisson, il est faux d’affirmer que se sentir mère est inné. D’ailleurs, mettre cette idée dans la tête des futures mamans, c’est leur assurer un bon baby blues et un gros sentiment de culpabilité.


Une amie m’avait dit : " tu verras, tu l’aimeras de plus en plus". Et ça a vraiment été ça pour moi. On s’est apprivoisés avec mon fils, on a appris à se connaître, on s’est tout simplement  rencontrés. Je parle d’un “switch” pour expliquer ce moment où j’ai compris que ma vie ne serait plus jamais la même. Qu'être mère, c'était d’accepter d’abandonner ses repères d’avant, de changer ses priorités et de ne plus se penser au centre du monde. C’est basculer de l'intérêt qu’on a eu pour soi, vers quelqu’un d’autre qui passe nécessairement avant, puisque, aussi simple que cela puisse paraître, c’est vital.


Ce “switch” a commencé à 8 semaines et s’est vraiment consolidé après les 4 mois de mon fils. J’ai choisi un long congé maternité. J’étais seule en expatriation, donc je me suis mise au rythme de mon enfant et je me suis résignée. Ne plus lutter pour retrouver du temps à soi, lire un livre ou regarder un film. Éviter ces moments si frustrants où, pour être un peu tranquille , tu passes une heure à endormir ton fils qui fera in fine une sieste de 30 minutes… À un moment j’ai eu le sentiment de lâcher quelque chose, de faire le deuil de ma vie d’avant et du coup mon existence m’a semblé plus facile ! Enfin pas tout évidemment, mais quand même !  


Et voilà, c'était parti pour trois années où mon fils a pris absolument toute la place, tous mes regards, la plupart de mes pensées ...et de mes angoisses malheureusement. De ce fait, quand ma fille est arrivée, je n’avais pas eu le temps d’imaginer quoi que ce soit pour elle ! Elle était là, juste là, et c'était une évidence. Par contre, de nouveau après l'accouchement, j’ai beaucoup pleuré pour mon fils, encore et toujours lui. Même mon baby blues, il fallait qu’il le lui pique !  


C'était comme si en une fraction de seconde, quand je me suis retrouvée à l'hôpital avec un deuxième bébé, je réalisais à quel point j’avais été symbiotique avec lui. Qu’avec son père, on l’avait trop, mais alors beaucoup trop regardé et qu’au fond, nous avions été un peu fous. Oui, j’ai vraiment eu peur qu’on ait raté son éducation et qu’il ne se remette jamais de l'arrivée de sa soeur dans notre petite vie familiale.


Il avait suffi d’une nuit, pour que mon regard sur notre famille change complètement. Ce n'était pas seulement ma fille que j’allais apprendre à aimer mais aussi mon fils que je devais être capable d’aimer autrement. Et le premier enfant change tellement à l'arrivée d’un bébé que c’est tout un rythme et de nouvelles habitudes à trouver.

Je dirais qu’il nous a bien fallu six mois pour que tout le monde s’accepte. Enfin, comme dit ma mère “la pauvre chérie ma fille”, elle, n’avait rien demandé à personne ! Elle était là, un point c’est tout !


Et combien de scénarios mon fils a inventé pour se débarrasser de sa soeur. Je me demande si ce n’est pas à ce moment là qu’il a vraiment développé son imagination:

Une bulle de savon l’envoyait dans le ciel alors qu’un robot m’attachait sur une chaise, nous transformait en glace et … nous faisait exploser toutes les deux ! “Génial chéri, continu, c’est bien d'extérioriser tous ces fantasmes agressifs !” (je vous ai déjà dit que ma mère est psy, non ?! ).


Toute personne proche de nous devenait pour lui un parent potentiel qui pourrait prendre soin d’elle et la garder loin de nous surtout !  Attention, j’aurais le droit de la voir pendant les vacances, enfin seulement s’il elle me manquait d’ailleurs !

Je ne vais pas mentir, j’ai pensé de temps à autre qu’on n’allait pas y arriver. Les nuits blanches et folles, la fatigue qui s’accumule, les cris, les crises, les maladies. Je me suis sentie plus d’une fois débordée par le quotidien avec deux enfants cette dernière année. Mais finalement,  rien de grave n’est arrivé et je n’ai pas explosé en plein vol comme le voulait mon fils.


Au contraire, je préfère la mère que je suis maintenant que j’en ai deux. J’ai enfin compris le concept de "good enough". Et je les regarde avec fierté, grandir et devenir frère et soeur. Se taper, s’aimer, se chamailler, s’allier, se jalouser mais quoi qu’il arrive être à deux, toujours à deux !

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