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  • Elisa Azogui-Burlac

Mère au foyer : un travail invisible ?

Updated: Sep 6, 2022

Je suis une femme au foyer ou une mère au foyer, je ne sais même pas ce qui est juste. Quoiqu’il en soit, je déteste cette expression. C’est comme une punition. J’ai l’impression que je vais devoir recopier “Mère au foyer” cent fois sur un papier pour bien comprendre les conséquences de mes actes. C’est à dire d’avoir arrêté de travailler. À chaque fois que quelqu’un, ou que moi même d’ailleurs, me demande ce que je fais de ma vie , le verdict tombe, froid, sans appel, comme une grosse voix qui gronde du ciel “Mère au foyer” (et une autre petite voix dans ma tête répond : You have chosen wrong).

Alors du coup, comme ce statut paraît intolérable, notamment dans une société où l’individu se définit par sa productivité et souvent par son travail, j’ai passé plusieurs mois à trouver des réponses alternatives. J’ai arrêté de travailler depuis quelques mois, genre ça ne fait pas longtemps donc je ne peux pas encore avoir cette étiquette ; je fais mes projets ; je cherche à me lancer à mon compte ; je change de carrière...


Rien de tout cela n’est vraiment faux d’ailleurs mais ni totalement vrai non plus. Tous les subterfuges sont bons pour ne pas avouer que j’ai arrêté de travailler pour m’occuper de mes enfants (La voix gronde encore "Mère au foyerrrr" et"You have chosen wrong” ).


Parce que soyons honnête, ce qui ressort des conversations, des regards, des projections, c’est que s’occuper de ses enfants revient à ne rien faire de sa vie ! Voire à la rater. Je suis en permanence en train de me justifier de ne pas être une grosse flemmarde qui regarde Netflix (ou binge pour les intimes) toute la journée.


Non, non regarde tout ce que je fais, j’ai même un blog, je fais des podcasts, j’ai des envies …et surtout je m’occupe beaucoup de mes enfants et c’est fatigant tu sais ? … ah tu trouves ça mignon mais tu te demandes où ça mène hein ?! Oui j’ai compris va ...


Et le pire dans cette histoire, c’est que je comprends ces aprioris. Je suis la première à me juger et j’étais la première à catégoriser les gens en fonction de leur emploi et de leurs études. Dis moi ce que tu fais je te dirai qui tu es ! Une seule petite réponse (emploi, école, quartier) me permettait de deviner la vie et les caractéristiques de la personne ! Verdict ? Voix qui gronde du ciel : “Classe moyenne éduquée intellectuelle” !


Alors quand je réponds que je ne travaille plus, que je suis "Mère au foyer" (voix qui gronde toujours sinon ce n’est pas du jeu), qu’est-ce que cela renvoie de moi ? Où cela me place t-il à part dans des clichés de la femme qui dépend de son mari et qui s’est oubliée pour s’occuper de ses enfants ?


Des clichés qui ne sont pas tout à fait faux non plus. Je n’ai jamais aimé mon travail, je n’y ai jamais été ambitieuse et j’étais arrivée à ce palier dont l’étape suivante ne m'intéressait pas. Alors pourquoi continuer, stresser, faire trois heures de transport par jour, anticiper chaque vacances scolaires, ne pas voir mes gosses, pour gagner un salaire qui ne couvrait même pas les frais de garde des enfants (vivant en plus en Angleterre où mon salaire ne couvrira JAMAIS ces frais) ?


Si nos moeurs, nos façons de faire famille, ont évolué, le décalage entre le rythme de l’école et la vie en entreprise est quand même délirant ! Il y a quelqu’un, je ne sais où, qui a oublié de faire les maths dans cette histoire car je ne comprends toujours pas comment ça fonctionne.


Alors voilà, ce n’est pas que j’avais complètement envie d’arrêter de travailler pour être "Mère au foyer" (vous avez mis le ton j’espère), mais le quotidien avait perdu de son sens et je voulais plus de confort dans notre rythme familial et aussi plus de temps avec les enfants.


Et du temps avec les enfants, j’en ai, je peux vous le dire ! J’ai compté ! Quand je travaillais, je passais en moyenne 10 à 14 heures par semaine de “jours ouvrés” avec mes enfants (elle parle vraiment en jours ouvrés ?). Aujourd’hui je passe environ 34 heures par semaine hors week-ends (et nuits) avec eux. À cela, ajoutons les (nombreuses, nombreuses, nombreuses) vacances scolaires et les jours où ils sont malades et j’atteins une moyenne de 50 heures par semaine où je suis seule avec mes enfants (hors nuits et week-ends toujours ) !


Alors non, être "Mère au foyer" n’est pas une vie oisive ou égoïste. Les enfants demandent en plus une telle routine, un tel dépassement de soi, une telle abnégation que je rêve, certains matins, de m’habiller, passer ma journée avec d’autres adultes et de rentrer juste pour le coucher (voire après ?).


Et pourtant ces heures ne sont pas reconnues comme « une activité », donc c’est la double peine d’être MÈRE AU FOYER (voix qui gronde très fort). À la fois on ne te reconnaît pas le droit d’être fatiguée, stressée, frustrée parce que tu ne travailles pas et si tu penses à retourner bosser on te dit que tu n’as rien fait de ta vie les dernières années !


C’est la raison pour laquelle si vous me posez la question aujourd’hui, je pense que c’est important pour les femmes de travailler, pas seulement pour l’argent mais pour l’avenir et l’intégration dans une société qui segmente rapidement et facilement. Si vous me demandez si je suis heureuse d’avoir arrêté, je répondrai quand même que oui. Car à ce moment là c’était le meilleur choix, peut-être le seul possible pour moi, pour nous et je suis contente de ce temps passé avec mes enfants (la plupart des semaines !) . Et si vous me parlez de l’avenir, je dirai "on verra" ! J’espère trouver un juste milieu entre ces 10 heures et ces 50 heures, j'y travaille (elle est bonne celle là ). Il y en a forcément un, bien qu’il soit dommage que ça ne soit toujours pas évident à trouver…


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