- Elisa Azogui-Burlac
Parent : chronique d'une nuit sans sommeil
Je me réveille, je ne suis pas dans mon lit… je ne sais pas trop où j'en suis. J’ai la bouche sèche et du mal à ouvrir les yeux. Je ne dois pas dormir depuis très longtemps... Quelle heure peut-il être et que s’est-il passé ? Est-ce le début trépidant d’un polar dont je serais l'héroïne ou la victime? Non, c’est juste une de mes nuits...

La confusion s’estompe après quelques secondes, je retrouve mon téléphone enroulé sous la couette à mes pieds: 5 heures du matin. Je comprends que je me suis finalement endormie dans le petit lit bleu de mon fils.
C’était après avoir passé une bonne partie de la nuit avec ma fille, qui avait en pleurant réveillé son frère, qui dort désormais à ma place à côté de son père. Ça en fait du mouvement…
J’ai mal au dos et décide de retourner dans mon lit. Je me cale dans un coin pour ne déranger personne et prie pour avoir une petite heure en plus.
Cette petite heure en plus… Quand tu es parent d’enfants en bas âge, et qui dorment mal (je me désolidarise de tous les chanceux), c’est une aspiration, un objectif toujours inachevé. “Je serais bien restée au lit une petite heure en plus”. “Si seulement il avait dormi une petite heure en plus…”
Comme si cette petite heure en moins était l’unique raison de ta fatigue ! Alors que pour ma part c’est bien d’une semaine de sommeil dont j’aurais besoin pour rattraper ces quatre dernières années de nuits entrecoupées. Oui, Une semaine à dormir...SEULE! Non mais je disgresse et divague ...
Maintenant la nuit, je ne rêve plus, je “vis” la nuit. Si autrefois, aller au lit marquait le début d’une pause dans l’espace-temps, un moment où mon moi n'était pas… Maintenant je “suis” la nuit et ce moi qui lutte contre le sommeil et la fatigue n’est pas toujours beau à voir.
Le matin c’est comme un hangover où tu te repasses le film de ce qui s’est passé la boule au ventre. “J’ai dit ça ? J’ai fait ça? Ce n’est pas possible, la honte!” Tout ce qui est arrivé seulement quelques heures avant, me semble déjà lointain, irréel. “Je te jure, c'était pas moi mais Mrs Hide, tu la connais….?”
La dernière fois par exemple, mon fils me réveille vers deux heures du matin car il avait fait pipi au lit, une petite habitude de ce dernier mois. Au lieu de le changer, enlever ses draps et de le recoucher vite, je décide de ne pas en rester là et d’avoir LA conversation psy pipi: “Chéri, pourquoi tu fais pipi au lit? Tu sens le pipi ou tu ne sais pas que tu fais pipi? Hein, tu comprends ce que maman te demande? Tu réponds à maman?” … Réponse normale de mon fils “Je sais pas moi. Laisse moi tranquille”
Ou avec ma fille de tout juste un an qui s’agitait dans notre lit en souriant à une heure du matin et avec qui j’ai décidé de rationaliser car je n’avais pas la force de la bercer. J’ai crié d’une voix forte “Ça suffit, c’est la nuit et la nuit on dort! Tu comprends!?” Comme si la fièvre, les molaires qui sortent, le rhume allaient abdiquer devant cet injonction à dormir!
Pareil avec mon mari. Si il a été épargné des réveils des enfants, ce qui est rarement le cas, il y a une force obscure en moi qui décide de le réveiller quand même pour discuter de choses importantes. Attention, s’il ose émettre la moindre objection à une de mes réflexions nocturnes alors je m’emporte et utilise les TROIS mots qui vont forcément le faire réagir: Expatriation, Sacrifice, Paris...
Mais bon, heureusement le jour se lève toujours, à deux, trois ou quatre dans le lit. Je quitte mon moi névrosé et j’arrive à voir plus loin que le bout de la nuit. D’ici une dizaine d'années ce seront des ados, qui nous claqueront la porte au nez et qu’on devra sortir du lit…
Alors je sais que rien de ce qu'il s’est passé durant nos nuits ne sera retenu contre nous...