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  • Elisa Azogui-Burlac

Jeux d’enfant

J’ai réalisé dernièrement en pensant à la vieillesse que je ne me voyais pas vieillir. La perception physique de moi-même et de mon entourage semble s'être arrêtée à mes 27 ans. J’ai beau regarder les photos et puis mon reflet dans le miroir, je ne perçois que très peu de changement. Mais au delà du physique, je ne me sens pas non plus vieillir de l'intérieur. C’est comme si j’avais manqué le passage au monde adulte. Ce moment du “quand je serai grand” n’est pour moi jamais arrivé, et j’ai toujours le sentiment de jouer à l’adulte plutôt que d’en être une !




Avec mon mari, c’est d’ailleurs souvent le même scénario, quand nous rencontrons d’autres parents, on se dit sans exception qu’ils font plus âgés mais surtout plus matures ! Regarde nous, avec nos jeans troués, nos baskets, nos livraisons pizza/burger tous les soirs ! Non non, nous ne sommes pas de jeunes parents, nous sommes seulement des jeunes, parents par la force des choses. La preuve en est de notre réfrigérateur. Comment nos parents font-ils pour avoir ces frigos parfaitement organisés et rangés alors que nous peinons chaque jour à savoir quoi y mettre ?


Cela me rappelle quand j'étais enfant et que je regardais ma mère, mes tantes, leurs amis comme des personnes âgées. Il est inconcevable que j’ai aujourd’hui l’âge qu’ils avaient à l’époque.


J’ai toujours cru qu’il n’y avait que moi pour penser comme ça. Trop protégée étant enfant, la dernière de la fratrie, je serais incapable d’affronter la réalité et je garderais cette forme d'immaturité, cette voix en moi qui crie comme une gosse ou une ado,  sans cesse frustrée, en lutte contre le monde et la société !


Alors oui, je joue des apparences et assume sérieusement mes responsabilités (bon surtout celles de mère car pour le boulot c’est plus compliqué) mais c’est un jeu, juste un jeu car j’te jure, regarde bien, je suis encore qu’une gamine moi !


Toutefois, j’en viens à me demander si ce n’est pas la même situation pour tout le monde ? Ne sommes nous pas inéluctablement attachés à notre moi d’enfant ? Ayant été bercée par la psychanalyse, et bercée est le bon mot, j’ai toujours été interpellée par la façon dont les douleurs ressenties durant l’enfance peuvent revenir, ou juste perdurer, chez des adultes. Comme si des fils nous rattachaient sans cesse à des moments de notre passé et que nous ne serions que des marionnettes qui s’articulent en les tirant plus ou moins fort. il suffit finalement d’un souvenir pour que nous retrouvions la mémoire de nos émotions, comme si l'enfant en nous continuait à vivre.    


Depuis que j’ai repris mon travail d'écriture, je me sens moi même connectée à l’enfant qui écrivait des poèmes et des histoires en regardant La Place Blanche s’animer. Et du coup, j’ai le sentiment d'être aussi de plus en plus déconnectée, in-soumise à mes responsabilités actuelles.


J’ai toute cette mémoire émotionnelle qui me revient, traînant dans son sillage les contes familiaux. Vous savez, ces histoires d’enfance que l’on nous raconte depuis toujours et qui, même éloignées de la réalité, ont forgé ce que nous sommes: la sensible, la créative, le petit monstre, l’active, la passive...


Ces mots que les parents répètent détermineront plus tard, sans qu’ils s’en rendent compte, la manière dont nous appréhendons la vie.


Oui, je me sens immature en ce moment, en régression sentimentale, comme quand mon fils joue avec les jouets de sa petite soeur. Mais c’est aussi la première fois depuis des années que j’ai l’impression de me reconstruire, de re-connecter de façon harmonieuse tous les moi (s) qui parlent et commentent ma vie depuis mon enfance !


Alors, c’est encore un jour où je remets au lendemain mes recherches de boulot, mes rendez-vous administratifs et tout le reste qui peut attendre. Et je retrouve mes jeux d’enfant, avec d’autant plus de plaisir que je suis une adulte maintenant.

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