- Elisa Azogui-Burlac
Mieux comprendre : l'angoisse chez l'enfant
Updated: Aug 12, 2022
Contrairement à ce que l’on imagine, les enfants ne sont pas toujours heureux. On l’apprend assez rapidement en tant que parents lorsque dès le premier semestre de sa vie, votre bébé commence à avoir peur des étrangers. On ressent alors les premières angoisses infantiles.

La psychanalyse s’est beaucoup intéressée à la question de l’angoisse et de la névrose chez l’enfant pour finalement les associer à des stades de maturation et de développement. L’enfant va découvrir progressivement qu’il n’est pas le centre du monde et va alors adopter une “position dépressive” (M. Klein) dont les angoisses en sont l’expression.
La peur constitue ainsi un événement quasi constant lors de la croissance. En bref, ne paniquez pas si votre enfant est un grand phobique obsessionnel qui a peur de se séparer, qui craint des créatures magiques monstrueuses ou des catastrophes naturelles… c’est normal, il grandit !
“Au cours de la croissance, en effet, les capacités adaptatives du Moi de l’enfant, les pulsions auxquelles il doit faire face, l'intériorisation de la loi parentale, d’abord personnalisée et de plus en plus abstraite et socialisée, sont à l’origine d’un équilibre sans cesse rompu et retrouvé”
(Source : “Enfance et Psychopathologie” de Marcelli et Cohen p428 )
Peur et maturation
Retrouvez ci-dessous un schéma des peurs chez l’enfant en fonction de ses stades de maturation. Plus l’enfant développe sa pensée et s'autonomise dans son rapport à ses parents et au monde extérieur, plus de nouvelles peurs vont apparaître.
Naissance à 6 mois
Stade de développement : Les habiletés sensorielles fondent les capacités adaptatives de l’enfant.
Sources de peur : stimuli sensoriels
6-12 mois
Stade de développement : Relation cause à effet, développement psychomoteur, permanence de l’objet.
Sources de peur : Peur de l’étranger, angoisse de séparation.
2-4 ans
Stade de développement : Pensée préopératoire, capacité à imaginer, pas de distinction entre fantasme et réalité
Sources de peur : Créatures imaginaires, agresseurs potentiels, l’obscurité.
Troubles associés : peur de la séparation
5-7 ans (Maternelle)
Stade de développement : Pensée opératoire, Capacité à raisonner dans des termes concrets
Sources de peur : Catastrophes naturelles, accidents corporels, animaux,
Troubles associés : peur du sang, phobie des animaux, troubles obsessionnels, plaintes somatiques.
8-11 ans (Primaire)
Stade de développement : L’estime se centre sur la réussite sportive et scolaire.
Source de peur : échec scolaire ou athlétique
Troubles associés : anxiété avant un contrôle, phobie scolaire
12-18 ans (Adolescence)
Stade de développement : Pensée opératoire formelle, capacité à anticiper les dangers, l’estime se centre sur la relation aux pairs.
Sources de peur : rejet des pairs
Troubles associés : agoraphobie, phobie sociale, trouble panique
La peur de la séparation
Si l’angoisse est associée à un stade de développement de l’enfant, cela nous permet de nous interroger sur la place de la peur de la séparation dans la construction de la personnalité de l’enfant. L’anxiété, associée à la disparition de l’objet aimé, accompagne l’autonomisation de l’enfant. Dès le premier semestre de sa vie, l’enfant quitte l’état de symbiose totale à la mère pour se découvrir sujet séparé de la mère.
Winnicott et M. Klein parlent de l’angoisse de séparation comme de la perte de la toute puissance infantile et de la symbiose maternelle. Si au début de sa vie, la mère est dans une gratification quasi complète de tous ses besoins, les petites inadéquations inévitables entre la mère et l’enfant, vont le conduire à renoncer progressivement à ce sentiment de complétude et d'omnipotence, puis introduire le sentiment d’un manque, source d’angoisse
(Source : “Enfance et Psychopathologie” de Marcelli et Cohen p440)
La maîtrise et le contrôle des peurs
On a tous joué avec son bébé à faire disparaître un objet puis à le faire revenir : Il est où ? Ah ! Le Voilà ! ponctué des rires hystériques de l’enfant lorsque l’objet disparaît ou qu’il est retrouvé.
Freud, dans le jeu de la bobine, s’est questionné sur la raison pour laquelle une situation si angoissante, la perte d’un objet aimé, pouvait procurer une telle satisfaction chez l’enfant ? Il en a finalement déduit que c’est le sentiment de maîtrise et de contrôle qui procure le plaisir. L’enfant commence à se suffire à lui même pour conjurer la menace d'anéantissement liée à l’angoisse et à la solitude. Une telle maîtrise est par ailleurs source de plaisir.
“Cette conduite de maîtrise représente la tentative de contrôler le danger vécu en passant d’une position passive à une attitude active. L’enfant commence à utiliser son psychisme de manière autonome. Il parvient à représenter et à tolérer la séparation, la solitude.”
( “Enfance et Psychopathologie” de Marcelli et Cohen p439)
La psychanalyse a permis de montrer que l’angoisse est un mode de fonctionnement de l’enfant qui déplace ses pulsions ou ses peurs vers d’autres objets pour finalement pouvoir les maîtriser. Les phobies disparaissent d'ailleurs généralement entre 7 et 8 ans.
“Ce n’est pas la présence ou l’absence d’angoisse, sa qualité ou même sa quantité, qui permet de prédire l’équilibre psychique ultérieur, ou la maladie. Ce qui est significatif à cet égard, c’est seulement la capacité du Moi à maîtriser l’angoisse “
Anna Freud
( “Enfance et Psychopathologie” de Marcelli et Cohen p441)
Laisser l’enfant prendre la maîtrise et le contrôle sur leurs peurs
La position de la psychanalyse, dans des situations de refus, d’angoisse ou d’opposition chez l’enfant, est de toujours rassurer l’enfant. Que cela soit par la mise en place de rituels, de répétitions, ou par l’acceptation d’objets contraphobiques (un doudou, une lampe, des objets de la maison à l'extérieur, etc..).
Plus l’enfant sera rassuré, plus il lui sera facile de désinvestir ses angoisses. Au contraire, une rigidité face à l’anxiété de l’enfant peut renforcer ses symptômes.
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