- Elisa Azogui-Burlac
C'est le deuxième : la fratrie entre nos mythes et nos réalités
Updated: Oct 7, 2022
“C’est le deuxième”, une petite phrase qui signifie tant de choses quand on est parents. On l’utilise d’abord pour désigner le caractère de l’enfant né en deuxième position, souvent dans un jeu d’opposition avec le premier. Tous les « deuxième » ne sont pas les mêmes, mais ils sont, quoiqu’il, différents des premiers. C’est aussi nous, parents, qui chargeons de sens ce “c’est le deuxième”, car il s’applique à nous avant tout. Si nous sommes devenus parents avec le premier, nous l’étions déjà quand le second est arrivé et cette différence est fondamentale (malheureusement pour le premier ? ).

Je le remarque avec la plupart des parents autour de moi. On vit tous "le premier", surtout si c’est un garçon, comme un enfant hypersensible. Je pensais vraiment que mon fils était hypersensible, j’avais tout lu sur le sujet, jusqu’à ce que je fréquente d’autres parents et que je réalise que tous les premiers fils sont des hypersensibles. Il y a certainement une arnaque dans l’histoire, non ?! Alors que les deuxièmes… c’est les deuxièmes quoi !
Du coup, on se demande forcément si les personnalités de nos enfants sont avant tout forgés par nos projections. N’est-ce pas nous qui avons été des parents hypersensibles avec le premier et des parents plus confiants avec le deuxième ?
En tous cas chez moi, cela fonctionne de cette manière. Si avec mon grand je passe mon temps à me demander comment il va monter la prochaine marche, avec ma fille, je ne sais même pas quelle est la prochaine marche. Pas de Pernoud ! Rien ! je sais qu’elle arrivera tout en haut de l’escalier et je la tire même un peu vers le bas, de temps en temps, pour le plaisir, pour qu’elle aille moins vite, pour que ses jambes dodues ne s’élancent pas encore...
Quand j’ai accouché de ma fille, ça a été la chute et pas seulement d’hormones. La fusion que l’on avait créée autour de notre fils ne pouvait plus durer, et c’était pour le meilleur, pour nous tous. Si jusque là, je pensais sincèrement qu’on était des parents parfaits (vraiment parfaits, je veux dire), avec l’arrivée de ma fille on a dû se réinventer, se réorganiser et accepter les erreurs que l’on avait commises avec le premier. Surtout si, comme moi, tu es un parent aux tendances laxistes et que, en quelques années, le premier a envahi tous tes espaces d'adulte jusqu’à ton lit !
Alors qu’avec avec ma deuxième, j’étais moins disponible, plus fatiguée, donc il fallait que ça roule un minimum avec elle. J’ai été peut-être plus directe, plus ferme mais plus rassurée aussi. J’avais sûrement une meilleure balance, comme on dit !
Cette fameuse balance, le mot préféré de notre génération débordée ! La quête de la bonne balance est plus intense que la recherche du grale dans "Indiana Jones et la dernière croisade" : Être ferme tout en rassurant, être sévère sans crier, montrer qu’on a besoin d’espace personnel sans avoir l’air agacé …
C’est l’enfer cette balance. C’est l’échec assuré ! On passe ainsi notre temps à chercher des méthodes pour culpabiliser un peu moins. Méditation, time management, gestion de soi… toutes ces solutions clés en main pour être des parents 100% disponibles. J’en suis même venue à me mettre des stickers à moi-même quand je crie trop ! (Là je me dis que ça ne va plus du tout !).
Et malgré toutes ces solutions "comportementales", quand on est parents, on passe quand même notre temps à se demander si on fait assez bien et comment on peut faire mieux.
Je sais bien que je continue à être plus inquiète pour mon premier. Mais si j’arrive à être différente avec ma fille, plus flexible, je dois reconnaître qu’il y a quelque chose de plus profond, de plus ancré, qui ne bouge pas dans la relation à mon fils.
Et pourtant, nous avons nous-même souffert des images trop figées que nos parents nous ont transmises de nous et de nos liens fraternels. Ces étiquettes qui nous collent à la peau depuis notre jeune enfance, ces “Tu as toujours été”. Comme si le temps, les rides, les expériences n’attaquaient qu’une surface superficielle mais que notre structure restait fixée sur nos “Je” d’enfants.
Pouvons-nous pour autant échapper à ces projections parentales et à la place que l’on a eu dans une famille et dans un fratrie ? Frère et frères, soeur et soeurs, avons nous réellement la même histoire ? Et construisons-nous la même histoire à nos enfants ?
La réponse c’est peut-être eux qu’ils l’auront. En espérant qu’ils se construiront au-delà de nous, de nos projections et de nos limites. C’est bien ça être parents, réussir le pari parfois risqué de les pousser hors de nous tout en restant vigilant et à l'écoute de leur sensibilité et de la nôtre.
Aller ! Une chanson sympathique de Brassens pour finir :
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