- Elisa Azogui-Burlac
Pourquoi mon enfant de 5 ans est-il obsédé par les fesses et le caca ?
Updated: Nov 7, 2022

Mon fils ne parle que de ça. Il en fait même des chansons qui nous restent dans la tête et on se retrouve à chanter nous même parents “Péte fefesse qui pue tellement !” (il faut crier bien fort et mettre le ton sinon ça ne marche pas, ce n’est pas satisfaisant !) .
Mon fils est obsédé par ses fesses, les miennes, celle des autres et par le caca. Cela s’accompagne d’une attirance naturelle pour tout ce qui est dégoûtant ou sale, comme la morve, les microbes, le slime et de temps en temps par la mort aussi !
J’ai même droit à mes questions quotidiennes, dans lesquelles je ne vois aucune agressivité cachée … Car en effet, elle n'est pas cachée du tout ! Après tout aimer sa mère si fort ça doit être énervant, je comprends :
Est-ce que j’aimerais que 1000 pigeons viennent sur moi (Il sait que je déteste les pigeons) ? Est-ce que j'aimerais que 3 corbeaux me fassent caca dessus (il sait que je déteste les corbeaux ... oui j’ai un problème avec les oiseaux mais ce n’est pas de moi qu’on parle ici !) ? Ou bien évidement, est-ce que j’aimerais tout simplement manger du caca ?
La dernière fois, il a même proposé à plusieurs mamans de leur montrer ses fesses (la honte !) et je me cache désormais en sortant de la douche pour ne pas recevoir une réflexion sur ma nudité !
Alors pourquoi mon fils est-il obsédé ? C’est grave Docteur ?
Je me suis plongée dans mes livres de psychologie infantile pour me rassurer, ou me faire peur (la psychanalyse, spécialement dans le rapport à la mère, peut faire très peur je vous l’accorde !).
Oedipe (clairement Oedipe, je vous l'ai dit il m'aime trop !), stade sadique anal (aussi !), théories sexuelles infantiles … j’ai tout trouvé et en bref, c’est absolument normal que les enfants deviennent des exhibitionnistes, scatos, sadiques à cet âge là ! ( Ouf, merci Freud, on est rassuré, non ? ). Je vous fais un petit résumé de ce que j’ai appris.
Les stades libidinaux et l’oedipe
Attention, on ne peut pas parler de l’Oedipe ou des stades libidinaux des enfants si on les charge de notre sexualité d’adulte (sinon vous allez vraiment vous faire peur).
Mais oui, nos enfants ont très tôt une forme de sexualité. On ne va pas se mentir, on les a tous vus se toucher leurs quéquettes et leur zézettes , ce n’est pas pour rien sinon pour rechercher du plaisir...
Comme m’a si bien dit mon mari “C’est un garçon, évidemment qu’il s’intéresse à sa quéquette et il y pensera toute sa vie !”. Merci, tout est dit !
Les stades libidinaux chez l’enfant ne se dépassent pas mais ils se superposent les uns aux autres. C’est pourquoi des “fixations” perdurent d’un stade à l’autre. Freud a rangé sous la notion de sexualité infantile “tout ce qui concerne les activités de la première enfance en quête de jouissance locale que tel ou tel organe peut procurer” (pas seulement les organes génitaux).
[Source: “Enfance et psychopathologie”, Daniel Marcelli et David Cohen, Elssevier Masson, 10ème édition, page 60]
Stade oral (0 à 12 mois) :
On a tous observé que la première année, les enfants mettent tout dans leur bouche (“Cache les légos, le bébé arrive !”). C’est en effet par la bouche que l’enfant prend du plaisir, par la succion par exemple, et appréhende le monde en y mettant des objets.
Les premières frustrations orales, notamment liées à la nourriture (Non chéri tu n’auras pas ton biberon tout de suite) , vont permettre à l’enfant de se différencier de la mère, qui devient un sujet séparé de lui. L’enfant commence alors à se sentir seul et doit faire l’apprentissage de son autonomie : source d’angoisse (ils vont avoir peur de tout) mais aussi de plaisir, dans la capacité de contrôle et de maîtrise que cet état va lui apporter (ils vont nous faire la misère !).
Stade anal (2-3 ans)
C’est le début de l’acquisition de la propreté et de la maîtrise des sphincters. Tout se joue dans la maîtrise ou l’emprise ! C’est d’ailleurs, à ce moment,que les enfants entrent dans l’opposition avec les parents.
Avec l'acquisition de cette maîtrise, le caca devient un objet de pulsion qui se charge de différentes significations. Avec l’expulsion, une offrande à la mère, voire une partie du corps. ("Bravo chéri tu as fait caca dans le pot !"). Ou dans la rétention, un objet de contrôle et d’opposition aux parents ("Faut faire caca, tu vas avoir mal au ventre sinon, aller fais caca dans le pot") .
“Le stade anal devient le stade de l'ambivalence absolue car le même objet fécal peut être conservé ou expulsé (...), et d’autre part en fonction du temps ou du lieu d’expulsion ou rétention, il peut prendre la valeur de bon ou de mauvais objet.”
[Source : Le développement affectif et cognitif de l’enfant, Bernard Golse, Elservier Masson, 5ème édition, page 14]
Un exemple : “ Bravo chéri tu as fait caca c’est magnifique” ou “ Arrête de parler de caca c’est dégoûtant ! “ … c’est normal qu’ils soient perdus !
Stade phallique (3-4 ans)
La source de pulsion se déplace vers les organes génitaux, le pénis chez les garçons et les filles (le pénis fantasmé). C’est aussi à ce moment là que les enfants développent des théories sexuelles infantiles concernant les bébés (Maman comment on fait les bébés ?) et qu’il comprennent la différenciation des sexes (Elle est où ta quéquette? Mais comment tu fais pipi alors ?)
La scène primitive (quand on fait des enfants) est vécue par l’enfant de façon sadique et destructrice (....un peu comme des pigeons qui me font caca dessus alors ?) et s’accompagne d’un sentiment d’abandon.
Le pénis n’est pas vécu comme un organe génital mais comme un objet phallique de puissance. C’est le début de la peur de la castration chez le garçon ou de l’angoisse du manque de pénis chez la fille.
Le complexe d’oedipe
Chez le garçon : la mère devient l’objet de la pulsion sexuelle. Pour la conquérir, l’enfant va déployer toutes ses ressources libidinales (je t’aime maman) et agressives (me faire caca dessus par exemple).
Le père devient un objet de rivalité mais l’enfant va aussi commencer à l’imiter pour s’en approprier progressivement la puissance (tu es fort comme papa !).
Chez la fille : la déception de ne pas avoir reçu un pénis de la mère (On ne peut pas tout faire Freud !) va la détourner de celle-ci (quelle cruauté !) et changer d’objet libidinal. Ce changement va entraîner la fille à chercher à obtenir le père que sa mère lui a refusé (le pénis ou le père, je ne suis plus …? ) !
La fille renonce au pénis et recherche chez le père un dédommagement ( Enfin on parle du rôle du père : offrir des cadeaux à sa fille ).
Bref c’est une vraie tragédie grecque toute cette histoire, ou un drame oedipien (et oui !).
L’opposition plaisir/réalité
Mais heureusement, ce n’est pas comme dans Oedipe Roi, qui tue son père, épouse sa mère et finit par se crever les yeux pour se punir... La fin du stade oedipien est moins tragique pour les enfants (dans la plupart des cas !).
Comme nous, les enfants sont en permanence aux prises de l’opposition plaisir / réalité. Par exemple avec l’Oedipe, l’enfant est amoureux de sa mère ou de son père et éprouve du “désir’ pour son parent. Mais la “réalité” du tabou de l’inceste (commun à toutes les sociétés, même les plus primitives) va faire qu’il va abandonner progressivement l’Oedipe, se résigner et déplacer son désir vers des buts plus réalistes. Ne pas abandonner l’Oedipe reviendrait à accepter la castration d’un amour impossible à consommer. D’où l’importance de la peur de castration.
Le caca, la sexualité, les parents … les enfants, n’ayant pas la maturité pour élaborer tous ces bouleversements, passent par des phases d’évolution et de régression. L’opposition de la recherche du plaisir face aux exigences de la réalité (fais caca / ne parle pas de caca ; t’as une amoureuse/arrête de te toucher la quéquette !), nous fait comprendre pourquoi c’est compliqué à gérer pour nos enfants chéris. Ce qui explique que ça puisse sortir de manière
“inappropriée” de temps en temps ! Rien que de me lire, moi aussi j’ai envie de crier de “Pète fefesse qui pue tellement ! (encoire une fois faut mettre le ton).
En tant que parents, notre rôle et de les aider à intégrer la notion d’intimité afin que toutes ces pulsions s’expriment de manière, disons plus sociale !!!
Faut pas s’inquiéter, après tout Eve s'est bien habillée après avoir croquer la pomme !
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